La perception consciente du monde extérieur repose sur la coordination spatiotemporelle de l'activité des neurones corticaux. L'une des questions fondamentales en neurophysiologie est de déterminer comment ces informations sont encodées par le patron d'activité des neurones du cortex. Avec l'avènement des techniques d'enregistrements multiples permettant d'étudier simultanément l'activité de plusieurs neurones, il est désormais possible de comprendre comment des populations de neurones agissent de concert dans la réalisation d'une fonction dans une région précise du cerveau.
L'importante variabilité des enregistrements ainsi que la quantité de paramètres à analyser de manière conjointe constituent un véritable défi. Il est pour cela nécessaire de développer des outils statistiques puissants pour répondre à ces problématiques. Les potentiels d'action déchargés par les neurones peuvent être assimilés à des processus ponctuels, sur lesquels il est possible d'appliquer des modèles mathématiques qui évaluent les dépendances statistiques entre ces différentes activités. En particulier, le modèle de Hawkes permet d'évaluer les corrélations entre des trains de potentiels d'action de différents neurones et un neurone de référence en estimant i) l'activité spontanée de ce neurone, ii) la probabilité que les potentiels d'actions passés (sur un certain intervalle de temps) du neurone de référence entraine la décharge d'un potentiel d'action au temps t (historique du neurone), et iii) la probabilité que les potentiels d'actions passés de tous les autres neurones entrainent la décharge du neurone de référence au temps t (corrélations croisées). Dans ce contexte nous avons évalué l'applicabilité de cet outil sur de vraies données expérimentales, en procédant à des enregistrements multi-unitaires des neurones du cortex somesthésique chez le rongeur anesthésié. Notre connaissance de la connectivité fonctionnelle des neurones corticaux de ce modèle d'étude est telle, qu'il nous a été possible de la comparer à celle prédite par le modèle de Hawkes. Ainsi, nous avons pu montrer que l'enregistrement simultané de différentes colonnes corticales au cours de stimulations sensorielles permettait de retrouver l'organisation fonctionnelle connue des champs récepteurs des neurones corticaux, en estimant statistiquement les corrélations spatio-temporelles à l'aide du modèle de Hawkes. Enfin, nous avons montré que la connaissance des corrélations fonctionnelles entre les neurones permettait d'encoder plus d'informations sur la localisation spatiale des stimulations sensorielles que la seule estimation du nombre moyen de potentiels d'action (mean firing rate).