C'est en traitant à plusieurs reprises une même information qu'elle est mémorisée de façon durable. Mais quel est l'agencement temporel des répétitions le plus efficace pour la mémorisation ? Nous aborderons essentiellement les travaux de psychologie expérimentale utilisant des stimuli verbaux, en l'occurrence des paires mots-pseudomots. Outre l'effet du nombre de répétitions, qui est positivement corrélé à la mémorisation ultérieure, deux questions peuvent être étudiées. La première concerne celle de l'agencement temporel des répétitions au fil du temps, et en particulier sur plusieurs jours. L'effet de pratique distribuée (ou spacing effect) consiste à manipuler l'intervalle qui sépare les répétitions d'une même information et d'évaluer dans quelle mesure la rétention à long terme de l'information est impactée. Plus spécifiquement, nous avons étudié chez de jeunes adultes la mémorisation via la répétition multiple de plusieurs sessions d'apprentissage sur plusieurs jours. Un agencement de type expansif, c'est-à-dire avec des intervalles initialement courts puis de plus en plus longs, est plus efficace pour la rétention ultérieure que des agencements de type uniforme (intervalles égaux) ou contractant (intervalles de plus en plus courts). Ces effets sont par ailleurs modulés par la durée de l'intervalle de rétention, la supériorité de l'agencement expansif étant d'autant plus élevée que le rappel est tardif. L'autre question porte sur la nature des intervalles entre les répétitions. Il est établi qu'un épisode de sommeil se produisant après un épisode d'encodage favorise la consolidation des traces mnésiques et donc améliore le rappel ultérieur, par rapport au même intervalle passé à l'état d'éveil. Nous avons montré que lorsqu'un épisode de sommeil est intercalé entre apprentissage et réapprentissage d'une même information, un double bénéfice est observé par rapport à un intervalle sans sommeil. Non seulement le réapprentissage est facilité, mais la rétention plusieurs jours après est améliorée. Ces effets sont cependant beaucoup moins forts chez une population de personnes âgées, chez qui il est documenté que le sommeil est de moindre qualité que chez les jeunes. Avec l'avancée en âge, le sommeil semble donc de moins en moins apte à consolider les souvenirs et à faciliter le réapprentissage. Les mécanismes sous-tendant ces effets sont probablement multiples et complexes. Au plan cognitif, l'hypothèse du traitement déficitaire expliquerait un encodage non optimal lorsque les répétitions sont trop fortement rapprochées. A l'inverse, l'hypothèse de la récupération en phase d'étude expliquerait la faible mémorisation sur le long terme lorsque les répétitions sont trop distantes, du fait de l'impossibilité de récupérer en mémoire à long terme l'information traitée précédemment. Le sommeil, quant à lui, mettrait en jeu des processus de remaniement et de renforcement des traces mnésiques, de nature différente de ceux se produisant l'état d'éveil. Au plan neurophysiologique, les intervalles constitués d'éveil et de sommeil entre les répétitions influenceraient la potentialisation à long terme des synapses, mais également la consolidation systémique. Cette dernière consiste en la redistribution des traces mnésiques du niveau hippocampique vers le néo-cortex, via le phénomène de replay. Enfin, des phénomènes de labilisation et de reconsolidation des connexions synaptiques sont probablement en jeu.